Écoutez le souffle du vent, ce bruissement dans les arbres, c’est Ida...
Elle vous raconte ses souvenirs passés ici chez les" siens" ... "Ah les gens d'ici la connaissait bien ; en parlant de la comtesse, ils disaient "elle est d'chez nous», bravant avec son père les tourments de l'histoire qui venaient de passer dans la région...Elle réconfortait les femmes des métayers, rendait visite aux malades.
Son père l'avait marié à un membre de l'illustre famille des La Rochefoucauld. . Il avait fait la connaissance de celui qui allait devenir son mari à la bataille du Trocadéro en 1823 lors de la campagne d'Espagne où le général de la Potherie était le mentor de son neveu Théodore de Quatrebarbes …
Je la revois encore, marchant dans son parc avec sa dame de compagnie regardant vers le ciel son majestueux chef d'œuvre, cette femme à qui tout aurait dût sourire, se sentira bien seule vers la fin de ses jours ... L'oiseau qui la représentera le mieux sera à cette époque, la chouette, volant seule dans la nuit. Tout commence ici en 1830, au retour de Mr Le comte Louis Le Roy.
Auparavant lorsque le Général de la Potherie quittait Paris, rue St Dominique où il avait un appartement , les habitants du bourg , vite prévenus, se réunissaient pour lui faire une véritable ovation. Dès que les voitures des maîtres ,des domestiques , et des bagages venant de la route d’Ingrandes étaient signalées au Moulin Dauphin , le sacristain posté dans le clocher de l’église mettait les cloches en branle et quand les équipages arrivaient à Choiseau , il sonnait le carillon…Tous les habitants, en habit de fête, venaient à la rencontre du Comte et de la Comtesse de la Potherie et les escortaient jusqu’au château …
Cette fois- ci, les villageois prévenus sont présents mais personne n’ose dire aucun mot, le Comte a démissionné de son poste de député à la Chambre. Il a envoyé une lettre, il y a quelques jours, de Paris, au nouveau gouvernement « de juillet » : « Monsieur le président, ayant été nommé pour la troisième fois membre de la Chambre des Députés pour y défendre la charte contre toute agression et m’étant trouvé dans l’impossibilité de me rendre à l’ouverture de la session , où elle a éprouvé de si étonnants changements , je crois mon mandat fini, et j’ai l’honneur de vous envoyer ma démission , que je vous prie de faire agréer à la Chambre. J’ai l’honneur de vous saluer »
Comte de la Potherie
Que va t-il se passer maintenant ? Va t-il soulever la région pour reprendre les armes contre ce Roi Usurpateur, après l’abdication de Charles X. ? Beaucoup de nobles ont fait comme lui en donnant leur démission, ils montrent leur désaccord au nouveau pouvoir et se retirent sur leurs terres et dans leurs châteaux .Son gendre, le Comte Albert de la Rochefoucauld-Bayers, mari de Ida, a démissionné de l’Armée Royale, il avait le grade de Capitaine adjudant major. Il ne pense sans doute pas que le Roi Louis Philippe va rester 18 ans au pouvoir…
Le 14 juin 1832 pourtant un combat est livré à Challain contre un détachement du 54 e de ligne suite aux émeutes déclenchées à Paris à l’occasion des obsèques du Général Lamarque. Après cela, Challain et ses environs sont occupés militairement, mettant fin à tout espoir de changement. Ida se souvient de cette époque. Les gens attendent dans leur château à la belle saison ou en ville, dans leur appartement l’hiver. Ils se retrouvent, parlent politique pour les hommes. Ida aime retrouver son amie Elisabeth de Lostanges née Turpin de Crissé, parfois accompagnée de Lancelot Théodore Turpin de Crissé, sa belle soeur Denise Guillet de la Brosse qui est mariée à Charles de La Rochefoucauld et aussi son cousin Comte de Chanzeau, Théodore de Quatrebarbes qui après avoir démissionné lui aussi de l’armée, où il était officier de l’Armée Royale, se consacre à l’écriture. C’est lui qui, avec Lancelot Turpin de Crissé, est le moteur du style « Néogothique Flamboyant ».
Dans les années 1840, la conjoncture économique est favorable à l’agriculture qui se modernise. Elle apparaît encore comme la seule source normale de revenus. Il faut empêcher les « journaliers », les jeunes des campagnes, de quitter leur village pour chercher un emploi dans les villes. Entreprendre la construction d’un nouveau château permet d’offrir pendant plusieurs hivers un emploi, et des travaux de nivellement à des métayers désoeuvrés.
A Paris, ces jeunes couples se rencontrent et côtoient de nombreuses personnalités, des artistes, des écrivains de l’époque. Ils entendent conserver toutes leurs habitudes à la campagne et transporter le confort et leur style de vie, car à Challain, le Château ancien est entouré de douves, de taille modeste (environ 30 pièces) .La forteresse manque de luminosité avec des ouvertures étroites. L’ensemble se compose de bâtiments construits à des périodes où les soucis de défense l’emportent sur le confort. Cette antique demeure, d’aspect uniforme, élevée d’un étage sur rez-de-chaussée, avec mansardes, est précédée, vers nord, d’une cour encadrée par les bâtiments de services ; l’ensemble est entouré de douves sur trois côtés ; la partie Ouest, en bordure de la route de Candé, est bornée par une allée de tilleuls près de laquelle s’élève un labyrinthe. La motte antique de cinq à six mètres de hauteur, est rasée vers 1840. A l’angle Nord-Est des douves, les anciens seigneurs ont bâti une tour, transformée en fuie au commencement du XIXe siècle et qui sert d’abri à deux ou trois cents pigeons ; elle est démolie un peu plus tard. Une autre tour, plus importante, défend l’angle Nord-Ouest ; c’était jadis la prison. On la détruit en 1827.
Les projets du couple de Quatrebarbes à Chanzeaux et des de Lostanges à Angrie les décident à transformer leur vieille demeure et c’est naturellement qu’ils se tournent vers l’un des plus prestigieux architectes de Paris, Louis Visconti. Ce dernier leur propose des plans, mais ils imposent le style gothique. Visconti est préoccupé par des projets qu’il avait à Paris (entre autre l’agrandissement du Louvre). Vivement conseillés par la Comtesse de Lostanges, les époux De la Rochefoucauld décident de faire appel à un jeune architecte de la région René Hodé…
Le 29 Août 1846, René Hodé recevait une lettre de Albert de la Rochefoucauld commençant ainsi « plus nous avons examiné vos plans, plus nous les avons admiré, mon désir de construire s’en est augmenté ; ce serait une magnifique demeure qui, j’en suis sûr, fixerait votre réputation. » Le 1er mars 1847 est le jour d’une œuvre la plus considérable que voit, en ce siècle, entreprendre l’Anjou… Un chantier gigantesque va maintenant s’ouvrir dans la commune de la « Potherie ». L’hiver est passé, les travaux peuvent commencer. Les travaux de terrassement ne sont guère interrompus par la pluie dans ce mois de mars. Hodé a prévu des bâches pour recouvrir le terrain qui servent pour les mois d’avril et de mai qui sont pluvieux.
Albert et Ida sont toujours présents durant ces travaux habitant à proximité dans « l’ancien château » avec leurs enfants et les domestiques .Le Comte Louis Le Roy décède à Paris le 19 janvier 1847, sa fille est son seul enfant restant en vie, son frère Charles étant décédé à la suite d’un duel à Paris en 1825. Il s’en fallut de peu que cette oeuvre si remarquable à tant d’égard demeure à l’état de projet ; les murs du château sont à peine sortis de terre quand éclate la révolution de février 1848. On établit une couverture provisoire et les travaux ainsi abrités peuvent attendre. Le 14 mars 1848, M Hodé reçoit du Comte de La Rochefoucauld l’ordre de faire enlever la couverture et de continuer les travaux. « Je n’ai pas hésité, écrit- il, à décider la continuation de mes travaux. je le fais d’abord par un simple motif d’humanité pour les ouvriers que j’emploie et de loyauté pour mes engagements envers les entrepreneurs ,mais il ne faut pas se dissimuler que j’entre dans une voie difficile »
Les ouvriers reprennent leur travail, les métayers continuent leurs charrois « gratuits » de déblaiement de terre et, rapportent la pierre de granit de la commune de Bécon les granits pour le soubassement, et de Louvigné du Désert (35) pour les marches des deux perrons. Le tuffeau provient des environs de Saumur… Cette femme, qui ressemble à son père, est d’une très grande gentillesse mais aussi d’un tempérament très fort. Elle suit les travaux, d’abord pendant les absences de son mari qui malgré sa maladie de goutte, est conseiller général de Maine et Loire. Il décède le 6 janvier 1854 alors que le chantier n’est pas terminé…
Cette épreuve ne l’arrête pas, ils ont pris un engagement à deux, elle le continue seule, avec sa mère à ses côtés et ses enfants Henri 24 ans et la petite Marie 10 ans handicapée moteur. C’est en souvenir de son mari très aimé qu’elle continue leur œuvre commune. Un contemporain de l’époque écrit à sa mère « je suis passé au village de la Poterie, ce village est un véritable chantier … ! » En effet la rue principale du village est progressivement transformée. Mme de La Rochefoucauld-Bayers favorise les propriétaires, avec ces pierres de tuffeau et de granit, pour rebâtir leurs maisons. Quatre grosses tours flanquent bientôt chacun des angles du château et un élégant donjon surmonte le centre de la construction.
L’architecte s’attache les services de Jacques Granneau qui s’est spécialisé dans l’ornementation historiée. Ce sculpteur angevin, élève de David D’Angers, crée les 184 culots qui ornent les façades, ces appuis de fenêtres avec des motifs néogothiques différents sous chaque fenêtre, ces lancettes de fenestrage … Avec ces travaux, l’entrepreneur de maçonnerie M Palisse, a du travail pour plusieurs années M Pottier, entrepreneur de couverture zinguerie, recrée au niveau des tours un toit en poivrière surmonté d’un épi de faitage qui renforce l’impression de hauteur. La partie extérieure du château qui est terminée en 1851, mesurant 60 mètres de long, 37 mètres de large et 45 mètres de hauteur. A l’intérieur, l’agencement des pièces, c’est Visconti .Il montre son talent avec l’escalier central à vis creux, exemplaire unique au XIX e, qui, inséré dans une cage circulaire se termine par un oculus qui diffuse la lumière venant de la toiture. Mr Bex, en créé les piliers de l’escalier et de l’entrée avec l’apport de barres de fonte à l’intérieur recouvertes de stuc imitant le marbre, ce qui renforce la solidité de l’ensemble. Les menuisiers Brecelet et Landais, le tapissier M Didier et le peintre M Augustin sont choisis pour être les meilleurs dans leur profession. Mme la Comtesse de la Rochefoucauld choisie Jean – Paul Mazaros, un Parisien Républicain socialiste franc maçon et donc très loin des Royalistes légitimistes, pour effectuer les décors intérieurs. Il est le seul ébéniste capable de réaliser un tel travail de précision, répétant ces détails du style néogothique flamboyant.
C’est un des seuls châteaux où le style est autant présent à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les visiteurs d’alors sont ébahis et stupéfaits de voir ces créations …Par ces détails c’est le livre ouvert de la vie de Mme Louise Ida de La Rochefoucauld qui nous est montré. Au troisième étage sous les combles sont aménagées des chambres pour les domestiques. chambres ou plutôt gabelas, mal éclairées par la partie haute des fenêtres, de grandes lucarnes peu pratiques d’accès .Les murs sont enduits de plâtre qui n’ont pas été revêtus de papiers peints. L’ensemble est terminé en 1859.
Après la destruction de l’ancien château, la Comtesse aurait pu en rester là, mais elle continue son œuvre et la restructuration du domaine en ajoutant au château de grandes écuries. Le grand commun construit de 1859 à1860 qui fait 40 mètres de long et 10 de large , a de confortables logements pour les cochers et les palefreniers, des boxs pour les chevaux et des remises pour les voitures, malheureusement la ville de Choisy- le -Roi a complètement transformé ce bâtiment. Pensant déplacer la route de Loiré, elle souhaite inclure une tour carrée pour accéder directement à son orangerie(1866). Les autorités préfectorales s’y opposent toujours, ce qui ne l’empêche pas de créer cette «tour montplaisir », devise de la famille de La Rochefoucauld, en 1875 où on accède par un tunnel à l’orangerie, aux serres et au pavillon sur l’étang. Enfin la Porterie de 16 mètres de haut ses deux massives tours rondes crénelées, toujours dans cet esprit médiéval, sont édifiés en 1882. Albert et Ida ont dès le début, sur les avis de chacun de leurs amis, de passage à la « potherie », penser au remodelage du parc, et le Comte de Choulot a donné les plans d’un parc agricole romantique. La propriétaire pense nécessaire un parc aux alentours pour se promener, converser, lire et rêver… La proximité d’un cours d’eau, la présence de beaux arbres sont autant de facteurs qui promettent un succès rapide de l’entreprise. Le châtaigner trapu, si commun jusqu’alors, est remplacé par l’élégant marronnier. Un portail avec la loge du garde-chasse marque l’entrée du parc. Passée la grille, l’allée d’arrivée, en pente douce, contourne une pelouse et assure l’accès de la demeure, dégageant la façade exposée sud de toute circulation de "voitures" .Un chemin contourne le parc, les plantations dissimilent les murs de clôture. Dans le souci d’atténuer la tristesse de la campagne pendant l’hiver, on plante des cèdres non loin des murs d’enceinte, des cryptomerias, à proximité de la maison, des hêtres pourpres, des magnolias, des platanes, des liquidambars…
Les grands massifs devant le château apportent leur dose de couleurs dont un, avec le centre occupé par un "phoenix canariensis". Le plan d’eau devant le château est l’élément indispensable du parc, il est le motif des promenades et le vivier tant apprécié …La création de l’île de vénus plantée de peupliers, de saules pleureurs d’érables, permet d’agrémenter les promenades en barques. Quelques cygnes évoluent majestueusement sur le lac où se reflètent les tours du château. Des ponts rustiques, des volières, des embarcadères agrémentent le parc... Pour constituer son nouveau potager, la comtesse Ida da la Rochefoucauld acquiert des parcelles qui ne lui appartiennent pas .L’emplacement n’a pas été choisi par hasard, placé près du lavoir dans un endroit où l’eau ne manquera jamais pense- t- elle.
Elle n’est détentrice que de deux maisons, et d’un pré, elle achète donc six habitations et treize jardins. Ces acquisitions débutent en 1854 et les travaux de démolition et d’aménagement débutent aussitôt. Il s’étend une fois terminé sur un hectare. Pour avoir un ensemble cohérent, dans le même temps, près du potager, commence la construction de la ferme de la basse cour, ferme modèle du XIX e où les meilleurs vaches sont sélectionnées , c’est le début de la race Maine Anjou. Rivalisant dans la commune avec la ferme de Maubuisson appartenant à la famille de Lostanges. A lire ces lignes, on peut penser au bonheur de Madame la Comtesse, pourtant tel n’en fut pas toujours le cas…
Sa fille chérie, la petite Marie, dont elle eu un accouchement difficile, reste handicapée, et comme si cela ne suffisait pas, tombe malade de la tuberculose et décède en 1868. Ida ne s’en remettra jamais. Avec le décès de sa mère au château de Soucelles en 1866 âgée de 95 ans et cette vie dissolue qu’aura son fils Henri, elle passe la majeure partie de la fin de sa vie en son château de Soucelles, où elle décède 2 Août 1884. L’oiseau prit son envol dans la nuit, apaisant ses souffrances, mais laissant son château orphelin. Son fils prit possession du château à la mort de sa mère comme seul héritier. Il a de nombreuses passions dont la chasse, qu’il partage avec ses amis. Il est maire de la Commune. Henri de La Rochefoucauld meurt le 23 octobre 1893, sans descendance.
La propriété passe aux mains de son légataire universel, le Vicomte de Rochebouet, qui vend alors le Château au Marquis Courtès. Polytechnicien, général de brigade en 1904, il se retire complètement à Challain en 1907. Avec sa femme, Marie Gabrielle Dubois, ils acquièrent le château complètement meublé, et y ajoutent beaucoup de tableaux. Ils ont adopté trois enfants. C’est le temps de la splendeur, des fêtes sont célébrées, dont le mariage de leur fille avec le Comte de Simiane en 1911. En 1912, ils changent les armoiries sur la façade et dans le hall du château pour imposer les siennes, marquant ainsi son empreinte, son passage au château. Une anecdote de cette époque peut- être celle-ci, à la fin de l’année scolaire, les enfants de l’école de Challain vont rendre visite à Madame la Marquise dans son château et s’ils ont leur certificat d’études, ils ont droit de sa part à une félicitation et un cadeau. Le marquis Courtès était un militaire et le montre dans sa manière de faire les choses. S’il a besoin de personnel, celui-ci est choisi que s’il sait marcher au pas et connait des chants militaires .
Il est maire de la commune et, avec le curé Coignard, il dirige la commune. Le Marquis Courtès décèdera le 1er Mars 1931. Après le décès de sa sœur puis de sa mère en 1943, Marie de Simiane devient seule propriétaire du château.
Un fait est à noter , ceci s’est passé le 3 septembre 1939, 2 directeurs et des professeurs arrivent au château accompagnés de 400 enfants de 7 à 14 ans venant de Paris (des 13 et 14 e arrondissements) et fuient vers le sud ...A 18h le tocsin sonne et n’arrête pas , tous s’arrêtent . La Guerre est déclarée...
Des accords sont pris avec Madame la Marquise Courtès pour la nuit, les enfants dormiront dans les derniers étages du château, et pour cela on apporte des ballots de paille que l’on monte aux étages ...
Dans le haut du château, des dortoirs pour les enfants sont aménagés et plus bas les classes et les chambres des maitres. Il y a 25 instituteurs et institutrices et une infirmière. Dans les dépendances, la cuisine est installée avec 3 chaudières et une grande cuisinière noire qui sert à faire les repas. Tout fonctionne au bois (pour nourrir 25 instituteurs et 400 enfants !) Les directeurs, le personnel de cuisine, les lingères et les laveuses, ce qui fait 25 personnes en plus, du personnel, entre autre, demandé dans la commune. Les anciens garages et écuries sont transformés en réfectoire pour les enfants. On peut être étonné du bon fonctionnement de ce centre improvisé avec si peu de personnel mais la discipline et l’entraide règnent. Le personnel travaille 7 jours sur 7, c’est la guerre et les nouvelles ne sont pas bonnes. Parmi les fournisseurs du centre, il y a les fermes des environs, les commerçants dont le boulanger qui fournit une grosse quantité de pains par jour. Avril Mai 1940, l’exode passe à Challain. Des Français de partout, des gens du Nord et d’ailleurs, qui cherchent à fuir, qui cherchent un pont pour passer la Loire ... Le château est un point de ralliement, un endroit pour souffler un peu .Des personnes de tout âge, perdues, hébétées, blessées, ayant tout perdues, souvent des proches, dans les bombardements qu’ils viennent de subir. Dans les dépendances du château des soins sont prodigués par l’infirmière, et la nourriture est proposée. Le réconfort est difficile.
Des soldats pitoyables cherchant leurs officiers, désemparés, barbus, marchent et ne savent où aller ! Le 13 Mai 1940 les Allemands sont à Paris ; le 14 ils défilent sur les Champs Elysées... La radio, toujours optimiste, n'a pas dit la vérité. Elle annonce leur entrée à Paris et à Challain. Arrivée de 2 grosses automitrailleuses avec des jeunes Allemands tout excités, puis des gradés et puis d’autres encore. Ils entrent directement dans le château, Madame la Marquise n’a pas le choix d’accepter ou de refuser...Ils prennent possession de son château. La première nuit, ils ont joué de la musique avec des instruments, cors, trompettes, tous les superbes instruments rutilants qui se trouvent dans le hall du Château, et ont bu ... La pauvre Marquise, sur la fin de sa vie supportera ceci en restant humble en s’occupant de ses affaires ...
Les directeurs ont maintenu le centre, malgré la prétention des Allemands de prendre aussi possession des réfectoires (anciens garages et écuries).Les enfants étaient surveillés Toutes les boutiques de la grande rue de Challain, bien achalandées de tissus, laines ...sont très vite vidées de leurs marchandises .Les Allemands achètent tout avec leurs Mark surévalués, et ils les expédient.
Beaucoup de soldats dorment dans les fermes autour du bourg, et réquisitionnent les chevaux et les armes. Le centre continue de fonctionner jusqu’en septembre 1940, et les élèves rentrent à Paris, laissant la pauvre Marquise parmi tous ces Allemands chez « elle ». Au décès de Marquise Courtès, des travaux de toiture devenant importants, Marie de Simiane vend le Château à un agent immobilier. Celui-ci s’empresse de le dépecer... 1948, la propriété est achetée par la ville de Choisy le Roy, pour y installer une colonie de vacances et ce, jusqu’en 1970.
Beaucoup de personnes de Challain se souviennent de cette époque où ils ont travaillé comme cuisinière, femmes de ménage, entretien...et où ils sont même venus danser dans le Château le week-end avec l’orchestre installé sur la table de la salle à manger du Château ! Des anciens viennent passer un séjour au château de mai à juin puis ces enfants qui s’installent de juillet à septembre laissant à nouveau la place aux anciens en septembre et octobre. C’est à cette époque que les dépendances, anciens garages et écuries, sont transformés pour y loger les enfants et y installer les cuisines ...
Après le château tombe dans l’abandon le plus complet, les propriétaires ne faisant rien pour l’entretenir, il se dégrade très rapidement. Pourtant des scènes d’un film sont tournées ici en 1993, le titre du film « la partie d’échec » avec comme acteurs connus Catherine Deneuve et Pierre Richard. Acquis en 2000 par deux antiquaires, c’est le début de la Renaissance... Enfin en 2002, une famille redonne vie à ce joyau néogothique angevin.
La famille Nicholson accueille en chambre d’hôtes et organise des mariages. Le château est également ouvert à la visite le dimanche, d’avril à octobre. Marqué par l’indéniable empreinte de Louise Ida Leroy de La Potherie avec son mari Albert de La Rochefoucauld Bayers qui ont apporté ici un exemple de modernité avec l’apport de technique d’édification nouvelle. Le château a connu les évènements du XIXe siècle et ceux du XXe en gardant la délicatesse de son style et la force de sa grandeur.